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Le devoir !… quel mot !… C’est pour y demeurer fidèle, qu’elle eut le courage de s’arracher de ses bras où tout ce qui avait été pour elle douleur, honte ou souffrances était oublié ; où elle ne pensait plus ni aux vivants ni aux morts, où elle avait entrevu un coin du paradis !

— Le devoir ! répéta-t-elle avec le premier accent de regret qu’elle eut témoigné depuis son arrestation. Il est bien dur quelquefois !…

Avez-vous lu mon interrogatoire, Jacques ? demanda-t-elle après un moment de silence.

— Oui, d’un bout à l’autre.

— Vous êtes-vous rendu compte de mes réponses ? Avez-vous apprécié mon silence et mon dédain de toutes choses ?

— Hélas ! vous voulez vous sacrifier à je ne sais quelle folle chimère, sans doute ?

— Eh bien ! reprit-elle toujours plus triste à mesure qu’elle parlait, si je me suis tue vis-à-vis de tous, si j’ai laissé s’accumuler contre moi tant de mensonges et de calomnies qui sont devenues des choses presque avérées, mais dans tous les cas irréfutables, c’est qu’il y avait à tout cela des raisons bien graves !

— Oui, je sais ! Il y a, en effet, dans votre vie des secrets que vous ne voulez pas confier à des indifférents. Pour soulever certains voiles sans vous faire souffrir, il fallait une main plus qu’amie ; et M. de Boutin lui-même ne pouvait entendre prononcer un nom sacré pour vous. Moi seul, votre fiancé, votre mari, avais le droit de recevoir la fin des confidences commencées un soir sur la terrasse au bord de la Beyre.

Elle remua la tête, pendant qu’une douleur infinie bouleversait ses traits.

— Malheureuse que je suis, dit-elle enfin, il ne veut rien voir, il ne veut rien entendre !