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même ; mais, ses forces la trahissant, elle se retourna vers Jeannie.

— Ouvrez, lui dit-elle d’une voix à peine distincte.

La gardienne obéit et disparut, pendant que sur le seuil de la porte entr’ouverte on pouvait distinguer la silhouette élégante d’un homme de haute taille.

Immobile et la tête découverte, il semblait cloué à la porte de cette misérable prison par une force supérieure à sa volonté.

Il était jeune, d’une physionomie franche et résolue. Sur un grand front large plein de pensées et d’intelligence, on lisait une indomptable énergie. Sa bouche, un peu épaisse, légèrement relevée vers les coins, était bien celle d’un orateur, toute faite pour laisser tomber des paroles d’admiration, de dédain, d’ironie ou de colère. Des yeux bleus, longs et tendres, mais le plus souvent pleins d’éclairs et de volonté, animaient cette figure froide, grave et sévère.

Marianne, la première s’avança vers lui :

— Jacques, demanda-t-elle, pourquoi êtes-vous venu ?

Sa voix d’une douceur inexprimable avait en même temps des accents déchirants.

Le charme qui retenait Jacques Descat en dehors de la cellule sembla s’être rompu.

Il fit deux pas en avant, et reprenant toute sa volonté :

— Pourquoi ? demanda-t-il à son tour ; parce qu’un ami sûr m’a averti au delà des mers que mon trésor, mon amour, mon bien, ma vie étaient menacés, et qu’aucune puissance ne pouvait m’empêcher de venir défendre et sauver tout cela.

— Ah ! fit-elle, se soutenant à peine, que je vous ai fait souffrir, que je vous ferai souffrir encore !…

— Souffrir, moi ! vous parlez de moi, vous pensez à