Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des pieds à la tête, on devinait quel terrible combat se livrait en elle depuis sa conversation avec M. de Boutin.

Par moments elle se levait, marchait au hasard, poussait deux ou trois exclamations où l’on distinguait ces seuls mots :

— Quelle fatalité ! ah ! je ne peux pas !… C’est plus fort que moi !… Je veux mourir !…

Et désespérée, en proie à une douleur indicible, elle revenait tomber mourante et presque inanimée devant son lit de sangle.

La gardienne entra, portant la lampe fumeuse qui éclairait le soir la cellule.

C’était une fille d’Armagnac, ronde et rouge, naïve et bonne comme les simples filles des montagnes ; pleine de cœur, on le devinait à ses yeux doux et honnêtes.

Elle devait s’être attachée à la prisonnière, car elle s’arrêtait de temps en temps devant elle, tout en vaquant à ses occupations ordinaires, et elle l’enveloppait de regards pleins d’affection et de sollicitude.

Elle avait déjà toussé plusieurs fois pour attirer l’attention de Marianne ; mais rien ne pouvait arracher celle-ci à ses sombres préoccupations. Jeannie se décida alors à lui adresser la parole :

— Mademoiselle n’a pas mangé ?… dit-elle avec un accent d’affectueux reproche : mademoiselle veut donc tomber malade ?

La jeune fille tressaillit ; on aurait dit que cette parole humaine la ramenait de je ne sais quels lointains pays de rêves et de douleurs.

Elle releva la tête, et essuyant ses yeux mouillés de larmes :

— Merci, dit-elle d’une voix douce ; je n’avais pas faim.