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— Voulez-vous me promettre que si, d’ici à deux jours, un honnête homme vient en s’agenouillant à vos pieds, vous offrir son nom, vous vous laisserez sauver par lui ?

Elle se leva avec une sorte de frayeur.

— Si ce que vous dites là pouvait arriver, s’écria-t-elle, ce serait un immense malheur !

— Un malheur ! interrompit le juge ; ah ! vous blasphémez ! Avouez donc, au contraire, que ce serait la plus juste et la plus méritée des réparations.

— Vous ne pouvez pas me comprendre… la vérité n’en serait pas plus connue pour cela. Les choses suivraient le même cours, et moi, il me faudrait briser un cœur loyal et bon.

M. de Boutin ne cachait pas son désespoir.

— Qui donc vous décidera ? demanda-t-il complètement découragé ; quelle est la force qui vous fera parler ?…

— Il n’y en a pas. L’enchaînement terrible des événements veut que je sois coupable ; rien au monde, rien ne saurait m’empêcher de l’être.

— Ou de le paraître, répondit le juge.

Et à bout de forces, il s’inclina.

— Je suis obligé d’attendre votre décision, reprit-il plus bas, je vous crois innocente ; malheureusement vous et… l’autre… avez été habiles ; il n’y a ni une trace, ni une preuve, je ne puis rien sans vous. Mais le jour où vous voudrez que justice se fasse, je serai là, pensez-y !

Elle lui tendit la main, plus émue qu’elle ne voulait le paraître :

— Merci, dit-elle, la voix tremblante, merci ; je n’oublie jamais rien. Je me souviendrai de vous, je vous le jure…