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À qui surtout l’a-t-on vendu ? Est-ce à Marianne ?

Est-ce à une autre ?… De quel prétexte s’est-on servi pour l’avoir ?

— Vous n’y êtes pas, mon cher juge ; il est évident qu’il n’y a pas eu de prétexte, car Étienne Delorme se rappellerait bien si quelque personne de la famille a été malade.

Il est bien plus naturel de penser que M. de Sauvetat, dans ses voyages fréquents à Bordeaux ou à Paris, se sera procuré quelque forte dose d’acétate de plomb pour ses expériences agricoles. Marianne, pour laquelle ce dernier n’avait pas de secrets, connaissait l’existence de ce poison, l’endroit où il était déposé, et… elle s’en est servie.

M. de Boutin hocha tristement la tête.

— Je suis extrêmement malheureux, dit-il ; je trouve cette affaire obscure au dernier point.

— Cependant il y a du poison, vous le savez. Le rapport n’est pas déposé, mais M. Despax l’a dit tout haut, et M. Gaste nous l’a certifié tout bas, sans cela l’instruction n’aurait pas eu lieu.

M. de Boutin semblait en proie à une lutte intérieure des plus douloureuses.

Il voulait parler ; peut-être formuler nettement une autre accusation, ou prononcer un autre nom. Il n’osa pas.

— Adieu, dit-il au procureur, je vais encore étudier l’affaire ; car vraiment n’ai jamais senti ma conscience protester et se révolter comme aujourd’hui.

Au revoir, répondit M. Drieux ; allez et essayez de la sauver, je ne demande pas mieux si c’est possible.

— Ce n’est pas moi qui la sauverai, dit le juge d’une voix presque indistincte et comme se parlant à lui-