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moins mille et un détails qui, à son avis, devaient asseoir la conviction des jurés tout aussi bien que des faits évidents.

En ville, l’opinion se passionnait de plus en plus pour madame de Sauvetat et se retournait contre Marianne.

Le rapport des experts, seul, n’arrivait pas ; mais M. Despax n’avait pu se taire, et quoique les expériences fussent loin d’être terminées, tout le monde savait que le poison existait.

Et pourtant, malgré toutes ces certitudes, malgré toutes ces victoires apparentes, M. Drieux n’était pas complètement tranquille.

L’opiniâtreté persistante de M. de Boutin l’exaspérait.

Il s’était juré de le convaincre, car il ne voulait pas au dernier moment que cette opinion contraire se dressât devant lui ainsi qu’une pierre d’achoppement. Le juge avait, comme personnalité et surtout comme honorabilité, une situation avec laquelle, dans le pays, on avait l’habitude de compter.

— Mais enfin, lui dit-il un jour, toute influence de parti pris ou de connaissances ultérieures mise de côté, quelles objections avez-vous encore à me faire en faveur de cette prévenue si évidemment coupable ?

— Son attitude, qui n’est pas naturelle. Elle ne se défend pas, elle ne proteste pas, elle parle à peine, et, dans son grand œil profond et honnête, j’ai beau fouiller, je ne lis que des choses droites et nobles, je ne sais voir en elle rien de faux ou de lâche.

Le front de M. Drieux se dérida comme si une lueur subite eût éclairé pour lui des abîmes inconnus.

— Ah ! ah !… s’écria-t-il par deux fois et avec un rire satisfait, voilà que je devine !… Avouez, mon cher Ca-