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sa figure ordinairement trop froide ; un sourire d’une mélancolie triste, mais sereine, entr’ouvrait sa bouche toujours si sérieuse. Chacun de ses mouvements un peu brisés avait plus de grâce, plus de souplesse. Il émanait d’elle un charme attirant et un parfum de résignation mystérieuse.

En la voyant si touchante et si belle, les plus fortes préventions furent ébranlées. Sur son passage il n’y eut pas une exclamation, pas un murmure.

Au contraire, beaucoup de ceux qui étaient venus avec des intentions malveillantes, confus de leur curiosité, se découvrirent et la saluèrent.

Quand elle fut passée, la foule se dispersa, entièrement bouleversée.

Les hommes ne lui avaient jamais été absolument hostiles ; à cette heure, beaucoup se seraient battus pour affirmer son innocence ; les plus obstinés répétaient, pour ne pas s’avouer tout à fait vaincus :

— Si c’est elle, c’est bien dommage !

Parmi ces derniers, quelques-uns se disaient tout bas, que M. de Sauvetat n’avait pas payé son bonheur trop cher.

Les femmes demeuraient impitoyables et l’accablaient d’invectives.

Les moins méchantes disaient :

— Elle a du toupet !

Cependant, vis-à-vis de M. Drieux, dont la fièvre et l’irascibilité touchaient au délire, Marianne ne se départissait jamais du système qu’elle paraissait avoir adopté : celui d’un silence presque absolu.

Tout au contraire, par déférence pour M. de Boutin, dont elle devinait l’intérêt, elle répondait à chaque question de ce dernier, mais le plus brièvement possible.