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devoir et meurs s’il le faut pour le remplir jusqu’au bout.

Pour commencer, accepte courageusement ce que celui-ci a de terrible et d’inexorable, laisse-moi partir.

— J’en mourrai ! soupira Marguerite.

Marianne la couva un instant avec un ineffable sentiment d’amour maternel.

— Ma fille, répéta-t-elle, ma fille !…

De grosses larmes coulèrent sur ses joues plus blanches que l’albâtre ; elle ne les essuya pas et reprit :

— Sois forte, mon adorée, et lorsque tu penseras à moi, dis-toi que je t’aimais bien.

M. de Boutin s’approcha.

— Vous l’aimez trop, Mademoiselle ! murmura-t-il tout bas, la voix étranglée par l’émotion.

Elle protesta par un signe de tête énergique et doux tout à la fois. Elle ne se soutenait plus. Tout à coup elle prit la tête blonde qui tressaillait sur son épaule, et, la portant à ses lèvres dans un transport plus fort que sa volonté, elle la couvrit de baisers :

— Adieu, dit-elle, que mon amour veille sur toi !… même à travers l’absence et la séparation, adieu !…

C’était trop pour la jeune fille impressionnable et frêle qui adorait Marianne.

Un rictus étrange plissa ses lèvres ; elle se roidit, et tomba dans les bras de sa nourrice, sans connaissance presque sans vie.

Marianne posa ses mains tremblantes sur les cheveux de l’enfant inanimée comme pour la bénir une dernière fois, et s’adressant à Cadette :

— Je te la confie, dit-elle, soigne-la comme je le faisais moi-même. Allons, c’est fini, je ne la verrai plus !

Un long sanglot sortit de sa poitrine.