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gistrats, ils eurent comme une intuition de la vérité et reculèrent épouvantés.

M. Drieux avait la main sur la clef de la porte, et Marianne allait en franchir le seuil lorsque, tout à coup, un appel aigu retentit dans l’escalier :

— Manne, criait une voix au milieu de sanglots déchirants, Manne !…

À ce nom ainsi prononcé, à ce bruit de larmes, la prévenue se retourna.

Par un mouvement convulsif elle enleva le voile qui couvrait son visage, comme si ce frêle tissu eût empêché de parvenir jusqu’à sa poitrine l’air qui lui manquait.

Haletante et bouleversée, elle parut écouter l’espace d’une seconde puis entendant descendre précipitamment l’escalier, elle se rejeta brusquement en arrière, la narine frémissante, les mains crispées, l’œil plein d’une passion ardente, d’une tendresse infinie, murmurant ces deux mots avec un accent où passait tout son cœur :

— Ma fille !…

Presque au même instant, Marguerite se précipita au milieu du vestibule.

Elle était mince, blonde et pâle. Ses traits, d’une délicatesse extrême, quoique gonflés par les larmes, accusaient tout au plus quinze ou seize ans.

Ses beaux cheveux châtain-clair s’étaient dénoués et couvraient de boucles ondoyantes sa taille svelte et à peine formée.

— Manne, où vas-tu ? demanda-t-elle en regardant curieusement autour d’elle. Mère me dit que tu pars, que tu nous quittes. Ce n’est pas vrai, n’est-ce pas ?

La prévenue ne se contint plus. Elle poussa un cri rauque et franchit d’un bond les quelques pas qui la