— Messieurs, dit-elle gravement, si, comme on l’assure, et dans l’intérêt même de votre dignité, les prévenus ont droit à certains égards, accordez-moi ce que je vous demande, laissez-moi entrer ce soir dans la triste demeure que vous me destinez.
Monsieur de Boutin intervint ; sa figure sévère et ordinairement impassible portait les traces d’une émotion profonde :
— Je ne vois pas d’obstacles au désir de mademoiselle, dit-il. L’instruction commencera demain : dès lors, il me paraît convenable d’épargner à la prévenue, aussi bien qu’à madame, les tortures que des rencontres inévitables leur occasionneraient ces jours-ci à toutes deux.
Blanche ne répondit pas. Marianne allait franchir le seuil de la porte, conduisant elle-même les magistrats chez elle, lorsque la veuve s’élança vers la prévenue.
— Je ne veux pas que tu me quittes ! s’écria-t-elle ; non, reste, ne t’en va pas, je t’en supplie !…
— Vous savez bien qu’il faut que je parte ! dit la jeune fille en s’éloignant plus froide, plus hautaine que jamais.
— Mais, malheureuse enfant, tu ne protestes pas, tu ne t’indignes pas ? Tu ne comprends donc pas que ta conduite est insensée et qu’elle t’écrase !… Ah ! malheur !…
Cependant, j’en suis sûre, tu ne peux pas être coupable !
Marianne laissa passer un éclair dans ses yeux profonds.
— Vous croyez ? interrogea-t-elle avec un accent d’ironie si indéfinissable que M. Drieux ouvrit la bouche pour protester, tandis que M. de Boutin,