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L’ACCORDEUR


L’Accordeur, vêtu de noir, sans linge, s’assied au piano, l’ouvre et récite le monologue suivant, en le mêlant d’accords et de gammes.


Un homme s’est trouvé pour me prendre ma femme !
Être paradoxal que la laideur enflamme,
Et que, pour ce haut fait, nos neveux chanteront,
Il m’a pris le sein plat où je posais mon front !…
Moi, néanmoins, je cours chaque jour, humble artiste,
Consciencieusement remplir mon métier triste.

Faisant des notes sur le piano
Do, mi, sol, do, ré, fa, la, ré, mi, sol, si, mi.

C’est moi qui rends la vie au clavier endormi,
Qui de l’aube au couchant m’acharne sur l’ivoire,
Ressuscite les sons, soigne la touche noire
Et la blanche… je suis plein d’un zèle grondeur ;
Je suis celui qui vient pour le sol, l’accordeur !
Oh ! le drôle de mot, la bizarre ironie !
J’allais tous les matins rétablir l’harmonie