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ii

Séligmann et Marmontel, devenait une étincelante étoile. Ses débuts étonnèrent. Elle était toute mince, et sa mine pâle, encadrée d’une forêt de cheveux noirs qui bouffaient sur ses tempes, s’allongeait, très-inquiète. Ses grands yeux essayaient en vain de se faire petits. Elle s’assit, préluda, commença, joua, et un applaudissement, formé de mille applaudissements, la rassura. Ah ! la belle victoire que la première victoire !

Cette entrée dans la vie l’enchanta. Elle s’acharna davantage sur ses cahiers, et aucun répertoire ne lui résista. La lyre divine lui livra ses secrets. Elle fit parler les ivoires et les ébènes, et Beethoven, et Bach, et Chopin durent lui sourire.

Vraiment, elle interprétait ces maîtres souverains avec un art merveilleux. Au premier elle laissait sa puissante couleur, au second son étonnant vertige, au troisième sa grâce compliquée.

Et, tout en interprétant les pages écrites, elle pensait à des pages qu’elle écrivait. La composition des autres lui donnait l’idée de composer. Elle se hasarda à jeter des notes sur des portées vierges. Son premier essai fut son premier succès. C’était un galop vertigineux, où tout un monde s’élançait et tournait, en un rhythme rapide et enlaçant.

Des valses suivirent, et des chansons, et des variations savantes, sur des motifs d’opéra. Il y a des bijoux dans son œuvre, des bijoux insoupçonnés, d’une forme ciselée, en même temps que d’une intense