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POÉSIES

M’oublier, et pourquoi ? L’idéal sentiment
Qui nous unit peut bien subsister ; oui, vraiment,
Son cœur si tourmenté trouvera l’accalmie
Entre sa femme, Yvonne, et Diane, son amie.

Sa voix s’est voilée ; en prononçant ces dernières
paroles, ses yeux se sont mouillés. Elle dit :
La duchesse a pleuré, la duchesse a du cœur.

Voilà qui surprendrait Lansac, le chroniqueur ;
Il le raconterait pour sûr dans l’Étincelle ;
Cette chronique-là me plairait moins que celle
Qu’il fit sur mon habit couleur regard-du-roy,
En satin merveilleux, chaque pan très-étroit,
Brodé de vieil argent, d’or et de perles fines,
Ouvrant sur des volants coquillés de malines.
Ce soir-là, j’ai, je crois, régné sur tout Paris,
Dans ce beau palazzo, vrai rêve de houris,
Où les esprits vainqueurs, les beautés qu’on redoute
Se coudoyaient, fiers et charmés, à la Redoute
Que le prince donna pour me faire la cour.
C’était Venise au parc Monceau. Dieu, que d’amour
Dans les parfums troublants des emparadisées !
Que de champagne au fond des coupes irisées ?
Comme sous les loups noirs les rires se perlaient !
Qu’ils étaient berceurs les orchestres qui jouaient
À la sourdine, au loin, cette valse des roses !
Le Jabloschkoff, par des lueurs d’apothéoses,
Éclairait les valseurs et les couples furtifs
Qui s’enfuyaient, joyeux, dans l’ombre des massifs.
Avec ses airs charmants de grand seigneur-poète,
Le prince me faisait les honneurs de sa fête,