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tout l’art de cuisine est enclos. Leur dessein fut de te procurer les divins préceptes grâce auxquels la faune et la flore innombrables de France sauront t’inspirer des harmonies savoureuses autant qu’imprévues.

Tout au moins ces pages conservent-elles le fruit de nombreuses veilles et d’études patientes. Variations sur des thèmes obligés, elles proposent des retouches à des formules déjà célèbres, souvent même de pures innovations.

À ces recettes aimées, outre les suffrages de nos difficiles, je souhaite qu’elles parviennent à démontrer sans phrases que la Cuisine est digne du beau nom de science, en dépit des classifications admises du vulgaire : au même titre que la chimie, uniquement empirique jadis, ne réclame-t-elle pas, en effet, une exacte connaissance des proportions, des réactions et des mélanges ? Elle est aussi un art par son imprévu, la constante invention qu’elle exige, l’apport individuel du cuisinier lui-même, dont l’intelligence et la sensibilité transposent des données universelles à la façon du peintre qui traduit un paysage sur une toile. Bien plus, l’envisageant comme l’instrument d’une fonction primordiale, on y peut voir le seul art vraiment nécessaire à l’homme, celui dont Rabelais faisait découler tous les autres.

Tandis que la peinture, la musique, la sculpture et l’architecture n’affectent physiquement que l’un de nos sens, la Cuisine a l’ambition d’en exalter le faisceau en une magique symphonie, dont ne donnerait qu’une faible idée, celle obtenue par des Esseintes sur son orgue des liqueurs.

Sans que doive intervenir le goût, suprême arbitre en la