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comme un ensemble animé du sentiment tragique. Tout le perfectionnement des hommes est renfermé comme un germe dans cette mission souveraine ; sa répudiation définitive de la part de l’humanité serait ce que l’âme du philantrope pourrait contempler de plus triste. C’est au moins ce que moi j’éprouve ! Il n’y a qu’un seul espoir et une seule garantie pour l’avenir de ce qui est humain : c’est que le sentiment tragique ne meure pas. Si les hommes devaient le perdre un jour complètement, il faudrait faire retentir des lamentations inouïes sur la terre, tandis qu’il n’existe pas de joie plus délicieuse que celle de savoir ce que nous savons — que la pensée tragique a de nouveau fait son apparition dans le monde. Car cette joie est bien une joie toute impersonnelle et générale, un jubilé de l’humanité proclamant la liaison et l’avancement certains de tout ce qui est humain.