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lequel il grava les runes de sa pensée — quelle abondance de savoir ne dût-il pas rassembler et embrasser pour devenir tout cela ! Et pourtant cet ensemble étouffa aussi peu sa volonté d’action que les détails les plus attrayants ne réussirent à l’en distraire. Pour apprécier la rareté d’une telle conduite, prenons Gœthe comme point de comparaison, Gœthe ce grand contraste de Wagner, qui, sous le double point de vue d’étudiant et de savant, peut être comparé à un fleuve riche en affluents qui ne porte point toutes ses eaux à la mer, mais en perd au moins la moitié dans les ondulations de son cours. Il est vrai qu’une nature comme celle de Gœthe recueille plus de satisfaction et en procure plus ; elle exhale comme une douce et noble prodigalité ; tandis que le cours puissant du fleuve de Wagner pourrait bien effrayer et rebuter. Mais que d’autres s’effraient s’ils veulent ! quant à nous, nous serons