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instincts tendait à outre-passer toutes les bornes ; chacune de ses aptitudes à jouir de l’existence voulait se satisfaire séparément ; plus elles étaient nombreuses et plus le tumulte était fort, plus leurs rencontres étaient hostiles. Puis la vie, le hasard irritaient à leur tour ; le pouvoir, l’éclat, le désir ardent du gain ; plus souvent encore c’était la cruelle nécessité qui l’oppressait, la nécessité de vivre d’une manière ou d’une autre ; partout des entraves et des pièges. Comment serait-il possible de se rester fidèle ici, de se conserver tout entier ? Ce doute l’accablait souvent et s’exprimait alors comme un artiste exprime ses doutes, par des créations artistiques. Élisabeth ne peut que souffrir, prier et mourir pour Tannhäuser ; elle sauve l’inconstant par sa fidélité, mais ce n’est pas pour cette vie. Tout se passe d’une façon dangereuse et désespérée dans la carrière de tout artiste véritable jeté sur l’arène des