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il a horreur de la puissance qui n’enfante que le mal et l’esclavage ; sa volonté brisée se soumet, et il désire lui-même cette fin qui le menace au loin. Et seulement alors advient ce qu’il avait le plus désiré auparavant : l’homme libre et sans peur apparaît ; sa naissance fut un défi à toutes les coutumes établies ; ses parents portent la peine d’avoir été unis par un lien contraire à l’ordre de la nature et à l’usage : ils périssent, mais Siegfried vit. À la vue de son développement et de son épanouissement splendide le flot de dégoût se retire peu-à-peu de l’âme de Wotan ; il suit des yeux le sort du héros avec un amour et une sollicitude de père. Comme il forge son épée, tue le dragon, s’empare de l’Anneau, échappe à la ruse la plus raffinée et réveille Brünnhilde ; comme la malédiction qui repose sur l’Anneau ne le ménage pas plus que d’autres et l’enserre de plus en plus près ; comme, fidèle dans l’infidé-