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tiste créateur est en général trop ardente, l’horizon de sa philanthropie trop vaste, pour que son regard puisse être arrêté par les barrières des nationalités. Ses pensées sont plus qu’allemandes comme celles de chaque bon, de chaque grand Allemand, et le langage que parle son art ne s’adresse pas à des peuples, mais à des hommes.

Mais c’est à des hommes de l’avenir.

C’est là la foi qui lui est propre, c’est là son tourment et son honneur. À quelque passé qu’il appartînt, aucun artiste ne reçut de son génie un don si extraordinaire en partage ; personne, excepté lui, n’eut à mêler un breuvage d’une telle amertume au nectar divin que lui versait l’enthousiasme. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, l’artiste méconnu, maltraité, errant pour ainsi dire au milieu de son époque, qui sut s’armer de