Page:Nietzsche - Richard Wagner à Bayreuth (trad. Baumgartner).djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 157 —

rieure paraît contrainte ou timide, comme si elle ne pouvait se montrer favorablement de tous les côtés et en ressentait une espèce de honte. Wagner saisit chaque degré et chaque nuance du sentiment avec la plus grande fermeté et la plus sûre précision. Sans crainte qu’elle lui échappe il prend l’émotion la plus délicate, la plus insolite, la plus indomptable, dans sa main puissante et l’y retient, et elle y prend corps, tandis que tout autre ne verrait en elle qu’un papillon éphémère se flétrissant au moindre attouchement. Sa musique n’est jamais indéterminée, jamais vaguement rêveuse ; tout ce qui parle par sa voix, que ce soit l’homme ou la nature, a une passion rigoureusement individualisée ; l’orage et la flamme elle-même revêtent chez lui la force irrésistible d’une volonté personnelle. Au-dessus de tous ces êtres chantants et de la lutte de leurs passions, au-dessus du tourbillon de tous les con-