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vons toujours à l’ouïe de la musique de Wagner ; on la dirait sous l’influence de quelques rares moments d’oubli pendant lesquels elle parle avec elle-même et tourne, comme la Sainte-Cécile de Raphaël, ses regards vers le ciel, loin de ceux qui l’écoutent et lui demandent de la distraction, de la joie ou de la science.

De Wagner, le musicien, on pourrait dire, en général, qu’il a donné une voix à tout ce qui jusqu’ici n’avait pas voulu parler dans la nature ; il ne croit pas à l’existence nécessaire de quelque chose de muet. Il pénètre jusqu’à l’aurore, dans la forêt et la nuée, dans la gorge et jusqu’au sommet des monts, dans l’horreur et la sérénité des nuits, et partout il devine leur désir secret : eux aussi ils veulent rendre un son dans la mélodie universelle. Là où le philosophe dit : il existe Une Volonté qui, dans la nature animée comme dans la nature inanimée, a soif