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une remarquable richesse de mots accentués et significatifs, simplification dans l’enchaînement des périodes, une fertilité d’invention presque unique pour exprimer les fluctuations du sentiment comme du pressentiment, une source abondante quelquefois très pure de locutions populaires et proverbiales — toutes ces qualités pourraient lui être attribuées, et pourtant on n’en aurait pas moins omis la plus puissante et la plus digne d’admiration. Celui qui lit l’un après l’autre deux poèmes tels que Tristan et les Meistersinger éprouve le même doute, le même étonnement à l’égard de la langue parlée qu’à l’égard de la musique, et se demande comment il fut possible de se rendre maître de deux mondes aussi différents d’esprit que de forme, de nuance et d’engencement. C’est là ce qu’il y a de plus puissant dans le talent de Wagner, ce que le grand maître seul peut accomplir ; d’improviser pour