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Le mythe n’est pas basé sur une pensée comme se le figurent les enfants d’une civilisation raffinée, mais il est lui-même une pensée ; il donne une idée du monde, mais c’est par une suite de faits, d’actions et de souffrances. L’Anneau du Nibelung est un immense système de pensées, mais sans la forme spéculative de la pensée. Un philosophe pourrait peut-être lui opposer quelque chose d’analogue qui serait complètement dénué d’images et d’action et ne nous parlerait que sous la forme d’idées ; on aurait alors représenté la même chose dans deux sphères disparates, une fois pour le peuple, et une fois pour l’opposé du peuple, pour l’homme théorique. Wagner ne s’adresse donc point à ce dernier, car l’homme théorique comprend ce qui est essentiellement poétique, le mythe, à-peu-près comme un sourd comprend la musique, c’est-à-dire qu’ils voient tous les deux un mouvement qui leur paraît insensé.