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ces. Que celui qui est digne de savoir ce qui se passait alors en lui, sur quoi il conférait avec lui-même dans les saintes profondeurs de son âme, — et ils ne sont pas nombreux ceux qui en sont dignes — qu’il écoute, qu’il contemple, qu’il éprouve et revive Tristan et Isolde, cet opus metaphysicum de tout art, cette œuvre sur laquelle repose le regard brisé d’un mourant avec son désir si doux, si insatiable des mystères de la nuit et de la mort, si loin de la vie qui reluit distinctement dans une effrayante et fantastique aurore, comme quelque chose de désunissant, de mauvais, de trompeur ; de plus, un drame plein de la plus austère rigueur de forme, entraînant par sa simple grandeur, et conforme par là au mystère dont il parle : être mort au sein de la vie, être un dans la dualité. Et cependant il y a quelque chose de plus admirable encore que cette œuvre, c’est l’artiste lui-même qui put produire