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nous souvenons en tremblant. Nous serons même exposés à la tentation de prendre la vie trop légèrement, précisément parce que, dans l’art, nous l’avons embrassée avec un sérieux si rare — pour nous servir d’une expression dont Wagner s’est servi lui-même en parlant des évènements de sa propre vie. Car, si même pour nous qui, sans le créer, assistons seulement à l’art du drame dithyrambique, le rêve paraît presque plus vrai que la veille et la réalité, quel effet ce contraste ne doit-il pas produire sur l’artiste créateur ! Il est là au milieu des appels étourdissants et des importunités du jour et des nécessités de la vie, au milieu de la société et de l’état, et qu’est-il lui-même ? Peut-être le seul qui veille, le seul dont les sentiments soient vrais et réels au milieu de dormeurs troublés et tourmentés, au milieu de malheureux en proie aux illusions et aux douleurs. Quelquefois une sorte d’insomnie