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L’ESPRIT LIBRE

38.

De même qu’il en est advenu encore, dans le plein jour des temps modernes, de la Révolution française, cette horrible farce, superflue, si on la juge de près, où cependant des spectateurs nobles et enthousiastes répandus dans toute l’Europe ont cru voir de loin la réalisation de leur long rêve passionné, rêve de révolte et d’enthousiasme, jusqu’à ce que le texte disparût sous l’interprétation : de même il se pourrait qu’une noble postérité interprétât mal encore une fois tout le passé et qu’elle rendît ainsi supportable l’aspect de celui-ci. — Ou plutôt, cela n’est-il pas arrivé déjà ? N’avons-nous pas été nous-mêmes cette « noble postérité » ? Et, en tant que nous le comprenons, ne sommes-nous pas au bout maintenant ?

39.

Personne n’admettra facilement la vérité d’une doctrine simplement parce que cette doctrine rend heureux ou vertueux, exception faite peut-être des aimables « idéalistes », qui s’exaltent pour le vrai, le beau et le bien et qui élèvent dans leurs marécages, où elles nagent dans un pêle-mêle bariolé, toutes sortes de choses désirables, lourdes et inoffensives. Le bonheur et la vertu ne sont pas des arguments. On oublie cependant volontiers, même du côté des esprits réfléchis, que rendre malheureux,