Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

entendre que la volonté est la seule chose qui nous soit connue, parfaitement connue, sans déduction ni adjonction. Mais il me semble toujours que Schopenhauer n’a fait dans ce cas que ce que les philosophes ont coutume de faire : il s’est emparé d’un préjugé populaire qu’il s’est contenté d’exagérer. « Vouloir » me semble être, avant tout, quelque chose de compliqué, quelque chose qui ne possède d’unité qu’en tant que mot, — et c’est précisément dans un mot unique que réside le préjugé populaire qui s’est rendu maître de la circonspection toujours très faible des philosophes. Soyons donc circonspects, soyons « non-philosophes », disons que dans tout vouloir il y a, avant tout, une multiplicité de sensations qu’il faut décomposer : la sensation du point de départ de la volonté, la sensation de l’aboutissant, la sensation du « va-et-vient » entre ces deux états ; et ensuite une sensation musculaire concomitante qui, sans que nous mettions en mouvement « bras et jambes », entre en jeu dès que nous « voulons ». De même donc que des sensations de diverses sortes sont reconnaissables, comme ingrédients dans la volonté, de même il y entre, en deuxième lieu, un ingrédient nouveau, la réflexion. Dans chaque acte de la volonté il y a une pensée directrice. Et il faut bien se garder de croire que l’on peut séparer cette pensée du « vouloir », comme s’il restait encore, après cela, de la volonté ! En troisième lieu, la volonté n’est pas seulement un complexus de