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LES PRÉJUGÉS DES PHILOSOPHES

de compte, c’est déjà trop s’avancer que de dire « quelque chose pense », car voilà déjà l’interprétation d’un phénomène au lieu du phénomène lui-même. On conclut ici, selon les habitudes grammaticales : « Penser est une activité, il faut quelqu’un qui agisse, par conséquent… » Le vieil atomisme s’appuyait à peu près sur le même dispositif, pour joindre, à la force qui agit, cette parcelle de matière où réside la force, où celle-ci a son point de départ : l’atome. Les esprits plus rigoureux finirent par se tirer d’affaire sans ce « reste terrestre », et peut-être s’habituera-t-on un jour, même parmi les logiciens, à se passer complètement de ce petit « quelque chose » (à quoi s’est réduit finalement le vénérable moi).

18.

Ce n’est, certes, pas le moindre charme d’une théorie que d’être réfutable. Par là, elle attire précisément les cerveaux plus sensibles. Je crois que la théorie cent fois réfutée du « libre arbitre » ne doit plus sa durée qu’à cet attrait. Il se trouve sans cesse quelqu’un qui se sent assez fort pour cette réfutation.

19.

Les philosophes ont continué de parler de la volonté comme si c’était la chose la plus connue du monde. Schopenhauer nous donna même à