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QU’EST-CE QUI EST NOBLE ?

effrayé. — Oui, répéta-t-il, plus fort, plus méchant et plus profond ; et aussi plus beau » — et en disant cela le dieu tentateur se prit à sourire, de son sourire alcyonien, comme s’il venait de dire une ravissante gentillesse. On le voit donc : cette divinité ne manque pas seulement de pudeur… Il y a en général de bonnes raisons de supposer que, pour bien des choses, les dieux feraient tous bien de venir s’instruire auprès de nous autres hommes. Nous autres hommes, nous sommes — plus humains. —

296.

Hélas ! Qu’êtes-vous donc, vous mes pensées écrites et multicolores ! Il n’y a pas longtemps que vous étiez encore si variées, si jeunes, si malicieuses, si pleines d’aiguillons et d’assaisonnements secrets que vous me faisiez éternuer et rire. Et maintenant ! Déjà vous avez dépouillé votre nouveauté et quelques-unes d’entre vous sont, je le crains, prêtes à devenir des vérités : tant elles ont déjà l’air immortelles, douloureusement véridiques et si ennuyeuses ! En fut-il jamais autrement ? Qu’écrivons-nous, que peignons-nous donc, nous autres mandarins au pinceau chinois, nous qui immortalisons les choses qui se laissent écrire, que pouvons-nous donc peindre ? Hélas ! rien autre chose que ce qui commence déjà à se faner et à se gâter ! Hélas ! toujours des orages qui s’épuisent et se dissipent, des sentiments