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QU’EST-CE QUI EST NOBLE ?

278.

— Voyageur errant, qui es-tu ? Je te vois poursuivre ta route sans dédain, sans amour, avec des yeux indéfinissables, humides et tristes, semblable à une sonde qui, insatisfaite, est revenue des profondeurs de la lumière — qu’a-t-elle donc cherché là en bas ? — avec une poitrine qui ne soupire pas, une lèvre qui cache son dégoût, une main qui ne saisit plus que lentement : qui es-tu ? qu’as-tu fait ? Repose-toi ici : cet endroit est hospitalier à chacun, — réconforte-toi ! Et qui que tu sois, dis-moi ce qui te plaît à présent ? ce qui te sert de réconfort ? Dis-le : tout ce que j’ai, je te l’offre ! — « De réconfort ? de réconfort ? Homme curieux, que dis-tu là ! Donne-moi donc, je te prie — —. » — Quoi ? quoi ? parle ! — « Un masque de plus ! un second masque ! » —

279.

Les hommes affligés d’une profonde tristesse se trahissent lorsqu’ils sont heureux : ils ont une façon de saisir le bonheur comme s’ils voulaient l’étreindre et l’étouffer par jalousie… Hélas ! ils savent trop bien que le bonheur fuit devant eux !

280.

« Comme c’est fâcheux ! Ne voilà-t-il pas qu’il retourne — en arrière ? » — Oui ! mais vous le