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PEUPLES ET PATRIES

tôme de l’infection politique. Par exemple en ce qui concerne les juifs : écoutez plutôt. — Je n’ai pas encore rencontré d’Allemand qui veuille du bien aux juifs ; les sages et les politiques ont beau condamner tous sans réserve l’antisémitisme, ce que réprouvent leur sagesse et leur politique, c’est, ne vous y trompez pas, non pas le sentiment lui-même, mais uniquement ses redoutables déchaînements, et les malséantes et honteuses manifestations que provoque ce sentiment une fois déchaîné. On dit tout net que l’Allemagne a largement son compte de juifs, que l’estomac et le sang allemands devront peiner longtemps encore avant d’avoir assimilé cette dose de « juif », que nous n’avons pas la digestion aussi active que les Italiens, les Français, les Anglais, qui en sont venus à bout d’une manière bien plus expéditive : — et notez que c’est là l’expression d’un sentiment très général, qui exige qu’on l’entende et qu’on agisse. « Pas un juif de plus ! Fermons-leur nos portes, surtout du côté de l’Est (y compris l’Autriche) ! » Voilà ce que réclame l’instinct d’un peuple dont le caractère est encore si faible et si peu marqué qu’il courrait le risque d’être aboli par le mélange d’une race plus énergique. Or, les juifs sont incontestablement la race la plus énergique, la plus tenace et la plus pure qu’il y ait dans l’Europe actuelle ; ils savent tirer parti des pires conditions — mieux peut-être que des plus favorables, — et ils le doivent à quelqu’une de ces