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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

gnent de plus en plus des conditions qui font naître des races liées par le climat et les mœurs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage de tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans les âmes et dans les corps, avec les mêmes revendications, — donc la lente apparition d’une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinctif, possède, physiologiquement parlant, un maximum de faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être et grandira en véhémence et en profondeur — l’impétuosité toujours vivace du « sentiment national » en fait partie, de même l’anarchisme montant — : ce phénomène aboutira probablement à des résultats que les naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres de l’ « idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de compte. Ces mêmes conditions nouvelles qui aboutiront en moyenne au nivellement et à l’abaissement de l’homme — de la bête de troupeau homme, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à produire des êtres d’exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante. Car, tandis que cette faculté d’assimilation qui traverse des conditions sans cesse variantes, et qui commence un nouveau travail avec