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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

diabolique, — notre dégoût de la pesanteur et de l’à-peu-près, notre « nitimur in vetitum », notre bravoure aventureuse, notre curiosité aiguë et délicate, notre volonté de puissance et de conquête la plus subtile, là plus déguisée, la plus spirituelle, volonté qui aspire avidement à tous les domaines de l’avenir et s’enthousiasme pour eux, — courons à l’aide de notre « Dieu » avec tous nos « diables » ! Il est probable qu’à cause de cela on nous méconnaîtra, on nous calomniera. Qu’importe ! On dira : « Leur « probité » — c’est leur diablerie, et rien de plus ! » Qu’importe ! Et quand même aurait-on raison ! Tous les dieux n’étaient-ils pas jusqu’ici des démons sanctifiés et débaptisés ? Et que savons-nous enfin sur notre propre compte ? Savons-nous comment l’esprit qui nous conduit veut être appelé ? (C’est une affaire de noms.) Et combien d’esprits sont en nous ? Notre probité, à nous autres esprits libres, — veillons à ce qu’elle ne devienne pas notre vanité, notre parure et notre vêtement de parade, notre borne infranchissable, notre sottise ! Toute vertu tend à la sottise, toute sottise à la vertu ; « bête jusqu’à la sainteté », dit-on en Russie, — veillons à ce que notre probité ne finisse pas par faire de nous des saints et des ennuyeux ! La vie n’est-elle pas cent fois trop courte pour qu’on s’y… ennuie ? Il faudrait au moins croire à la vie éternelle pour — — —