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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

l’effraye. « Ne suffit-il pas de rendre le criminel incapable de nuire ? Pourquoi punir ? Punir même est terrible ! » — Par cette question la morale de troupeau, la morale de la crainte tire sa dernière conséquence. En admettant d’ailleurs qu’on pût supprimer le danger, le motif de craindre, on aurait en même temps supprimé cette morale : elle ne se considérerait plus elle-même comme nécessaire ! — Celui qui examine la conscience de l’Européen d’aujourd’hui trouvera toujours à tirer des mille replis et des mille cachettes morales le même impératif, l’impératif de la terreur du troupeau. « Nous voulons qu’à un moment donné il n’y ait rien à craindre ! » À un moment donné ! — la volonté, le chemin qui y mène, s’appelle aujourd’hui dans toute l’Europe « progrès ».

202.

Répétons ici, encore une fois, ce que nous avons déjà dit à cent reprises : car aujourd’hui les oreilles n’entendent pas volontiers de telles vérités — nos vérités. Nous savons assez combien cela passe pour une injure lorsque quelqu’un, sans fard ni symbole, compte l’homme parmi les animaux ; mais on nous en fait presque un crime, d’employer constamment, précisément à l’égard de l’homme des « idées modernes », les termes de « troupeau » et d’« instinct de troupeau » et d’autres expressions semblables. Qu’importe ! nous ne