Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

sèdent la volonté de puissance et voudraient jouer au maître ; de petites et de grosses ruses ou des artifices qui gardent le relent des remèdes de bonne femme ; remèdes baroques et déraisonnables dans la forme, puisqu’ils s’adressent à tous, puisqu’ils généralisent là où il n’est pas permis de généraliser ; tous parlant d’une façon absolue, se prenant au sens absolu ; tous assaisonnés non seulement d’un grain de sel, mais rendus supportables seulement et quelquefois même séduisants lorsqu’ils sont trop épicés et qu’ils prennent une odeur dangereuse, une odeur de l’« autre monde » surtout. Tout cela, au point de vue intellectuel, ne vaut pas grand’-chose ; et c’est bien loin d’être de la « science », encore moins de la « sagesse ». Mais, pour le répéter encore et le répéter toujours, c’est de la sagacité, de la sagacité et encore de la sagacité, mêlée de bêtise, de bêtise et encore de bêtise, — qu’il s’agisse de cette indifférence, de cette froideur de marbre opposées à l’impétuosité folle des penchants que les stoïciens conseillaient et inoculaient comme remède ; ou bien de cet état sans rire ni larmes de Spinoza, de la destruction des passions par l’analyse et la vivisection que celui-ci préconisait si naïvement ; ou aussi de l’abaissement des passions à un niveau inoffensif où elles pourront être satisfaites, de l’aristotélisme dans la morale ; ou bien encore de la morale comme jouissance des passions volontairement spiritualisées et atténuées par le