possession plus distinguée se dira : « Il ne faut pas tromper quand on veut posséder. » Il sera irrité et impatient à l’idée que c’est son masque qui commande au cœur du peuple : « Donc, il faut que je me fasse connaître, et, tout d’abord, il faut me connaître moi-même ? » Chez les hommes serviables et bienfaisants, on rencontre régulièrement cette ruse grossière qui commence par se créer une image erronée de celui à qui ils doivent venir en aide. Ils veulent, par exemple, qu’il « mérite » d’être secouru, qu’il ait besoin précisément de leur aide, et qu’il leur en doive être profondément reconnaissant, attaché et soumis. Avec ces idées fausses, ils disposent de l’indigent comme d’une propriété, car c’est leur désir même de propriété qui les rend serviables et bienfaisants. On les trouve jaloux quand on se rencontre avec eux ou qu’on les précède dans un secours à donner. Les parents, involontairement, font de l’enfant quelque chose de semblable à eux-mêmes. Ils appellent cela « éducation ». Aucune mère ne doute, dans le fond de son cœur, que l’enfant qu’elle a est sa propriété ; aucun père ne se refuse le droit de soumettre son enfant à ses propres conceptions et à ses appréciations. Autrefois, à l’exemple des anciens Germains, les pères ne craignaient même pas de disposer, à leur fantaisie, de la vie et de la mort des nouveau-nés. Et comme le père — le maître, la classe, le prêtre, le souverain, voient dans tout
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HISTOIRE NATURELLE DE LA MORALE