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L’ESPRIT RELIGIEUX

négatrice qu’il y ait au monde — cette négation de l’univers par delà le bien et le mal, et non plus, comme chez Bouddha et Schopenhauer, sous le charme et l’illusion de la morale — celui-là s’est peut-être ouvert ainsi les yeux sans le vouloir précisément, pour l’idéal contraire, pour l’idéal de l’homme le plus impétueux, le plus vivant, le plus affirmateur qu’il y ait sur la terre, de l’homme qui n’a pas seulement appris à s’accommoder de ce qui a été et de ce qui est, mais qui veut aussi que le même état de choses continue, tel qu’il a été et tel qu’il est, et cela pour toute éternité, criant sans cesse « bis », non seulement pour soi, mais pour la pièce tout entière, pour tout le spectacle, et non seulement pour un pareil spectacle, mais au fond pour celui qui a besoin de ce spectacle et le rend nécessaire, parce qu’il a toujours besoin de lui-même et qu’il se rend nécessaire. — Comment ? Ceci ne serait-il pas — circulus vitiosus deus ?

57.

Avec la force de son regard intellectuel et de sa vision de lui-même grandissent la distance et, en quelque sorte, l’espace qui s’étend autour de l’homme. Le monde devient alors plus profond, de nouvelles énigmes et de nouvelles images se présentent à la vue. Peut-être que tout ce à quoi l’œil de l’esprit a exercé sa sagacité et sa profondeur n’a été qu’un prétexte à cet exercice, un jeu