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y a là apparence et feu-follet et danse des elfes et rien autre chose — que, parmi ces rêveurs, moi aussi, moi « qui cherche la connaissance », je danse le pas de tout le monde, que le connaisseur est un moyen pour prolonger la danse terrestre, et qu’en raison de cela il fait partie des maîtres de cérémonie de la vie, et que la sublime conséquence et le lien de toutes les connaissances est et sera peut-être le moyen suprême pour maintenir la généralité de la rêverie, l’entente de tous ces rêveurs entre eux et, par cela même, la durée du rêve.

55.

La dernière noblesse de sentiment. — Qu’est-ce qui rend donc « noble » ? Ce n’est certainement pas de faire des sacrifices ; le voluptueux le plus féroce fait des sacrifices. Ce n’est certainement pas d’obéir à une passion ; il y a des passions méprisables. Ce n’est certainement pas de faire quelque chose pour les autres, sans égoïsme ; peut-être la conséquence de l’égoïsme est-elle la plus forte, justement chez les plus nobles. — Mais c’est le fait que la passion qui s’empare de l’homme noble est une passion particulière, sans qu’il le sache ; c’est l’emploi d’une mesure rare et singulière et presque une folie ; c’est la sensation de chaleur dans les choses que d’autres sentent froides au toucher ; c’est la divination de valeurs pour lesquelles une balance n’a pas encore été inventée ; c’est le sacrifice sur des autels voués à des dieux inconnus ; c’est la bravoure sans le désir des honneurs ; c’est un con-