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n’était certainement pas parce que les femmes, sous l’influence du vin, oubliaient parfois toute velléité de dire « non » ; les Romains craignaient surtout l’influence du souffle orgiaque et dionysien qui passait encore de temps en temps sur les femmes du midi de l’Europe, alors que le vin était une nouveauté, comme une monstrueuse manifestation antinationale qui renversait la base du sentiment romain ; c’était pour eux comme une trahison de Rome, comme une assimilation de l’étranger.

44.

Les motifs que l’on croit. — Malgré l’importance qu’il peut y avoir à connaître les vrais motifs qui ont guidé jusqu’à présent les actions humaines, peut-être est-il plus important encore, pour celui qui cherche la connaissance, de savoir quelle croyance s’est attachée à tel ou tel motif, je veux dire, de connaître ce que l’humanité a supposé et imaginé jusqu’à présent comme étant le véritable levier de ses actes. Car le bonheur et la misère intérieure des hommes leur sont échus en partage selon leur croyance en tel ou tel motif, — et non pas par ce qui fut le motif véritable ! Ce dernier n’a qu’un intérêt secondaire.

45.

Épicure. — Oui, je suis fier de voir le caractère d’Épicure d’une façon peut-être différente de celle de tout le monde, et de jouir de l’antiquité, comme