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37.

De trois erreurs. — Dans les derniers siècles on a fait avancer la science, soit parce que, avec elle et par elle, on espérait le mieux comprendre la bonté et la sagesse de Dieu — le principal motif dans l’âme des grands Anglais (comme Newton) — soit parce que l’on croyait à l’utilité absolue de la connaissance, surtout au lien le plus intime entre la morale, la science et le bonheur — principal motif dans l’âme des grands Français (comme Voltaire) —, soit parce que l’on croyait posséder et aimer dans la science quelque chose de désintéressé, d’inoffensif, quelque chose qui se suffit à soi-même, quelque chose de tout à fait innocent, à quoi les mauvais instincts de l’homme ne participent nullement — le motif principal dans l’âme de Spinoza, qui, en tant que connaisseur, se sentait divin : — donc pour trois erreurs !

38.

Les explosifs. — Si l’on considère combien la force chez les jeunes gens est immobilisée dans son besoin d’explosion, on ne s’étonnera plus de voir combien ils manquent de finesse et de préférence pour se décider en faveur de telle ou telle cause. Ce qui les attire, c’est le spectacle de l’ardeur qui entoure une cause et, en quelque sorte, le spectacle de la mèche allumée, — et non la cause en elle-même. C’est pourquoi les séducteurs les plus subtils s’entendent à leur faire espérer l’explosion plutôt qu’à