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32.

Disciples que l’on ne souhaitait point. — Que dois-je faire de ces deux jeunes gens, s’écria avec humeur un philosophe qui « corrompait » la jeunesse, comme Socrate l’avait corrompue autrefois. — Ce sont des disciples qui m’arrivent mal à propos. Celui-ci ne sait pas dire « non » et cet autre répond à toutes choses « entre les deux ». En admettant qu’ils saisissent ma doctrine, le premier souffrirait trop, car mes idées exigent une âme guerrière, un désir de faire mal, un plaisir de la négation, une enveloppe dure — il succomberait à ses plaies ouvertes et à ses plaies intérieures. Et l’autre, de toutes les causes qu’il défend, s’accommoderait une partie moyenne pour en faire quelque chose de médiocre, — je souhaite un pareil disciple à mon ennemi.

33.

Au dehors des salles de cours. — « Pour vous démontrer que l’homme fait au fond partie des animaux d’un bon naturel, je vous ferai souvenir de sa longue crédulité. Maintenant seulement, très tard et après une énorme victoire sur soi-même, il est devenu un animal méfiant, — oui ! l’homme est maintenant plus méchant que jamais. » — Je ne comprends pas cela : pourquoi l’homme serait-il maintenant plus méfiant et plus méchant ? — « Puisqu’il a maintenant une science, — puisqu’il a besoin d’une science ! » —