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en temps de corruption, leur développement complet, — c’est maintenant seulement que la méchanceté est créée et la joie que procure la méchanceté. Les hommes de la corruption sont spirituels et calomniateurs ; ils savent qu’il y a encore d’autres façons d’assassinat que par le poignard et la surprise, — ils savent aussi que l’on croit tout ce qui est bien dit. — En quatrième lieu : lorsque « les mœurs se corrompent », ces êtres que l’on nomme tyrans commencent à surgir : ce sont les précurseurs et, en quelque sorte, les précoces avant-coureurs des individus. Encore un peu de patience : et ce fruit, qui est le fruit des fruits, sera suspendu, mûr et doré, à l’arbre d’un peuple, — et ce n’est qu’à cause de ces fruits que cet arbre existe ! Lorsque la décomposition a atteint son apogée, de même que la lutte des tyrans de toute espèce, le César arrive toujours, le tyran définitif, qui met fin à ce combat épuisé à la conquête de la prépondérance, en faisant travailler pour lui la fatigue. À son époque, l’individu est généralement le plus mûr, et, par conséquent, la « culture » est la plus élevée et la plus féconde, non grâce au tyran, ni par lui : quoique ce soit le propre des hommes d’une culture supérieure de flatter leur César en se faisant passer pour son œuvre. La vérité est cependant qu’ils ont besoin de repos du dehors puisque l’inquiétude et le travail se trouvent en eux. En ces temps la corruptibilité et la trahison sont les plus fréquentes : car l’amour de l’ego qui vient d’être découvert est maintenant beaucoup plus puissant que l’amour de la vieille patrie, usée et