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il est possible qu’il me soit arrivé souvent de le faire d’une façon trop cérémonieuse et princière.

23.

Les symptômes de la corruption. — Prêtez votre attention aux symptômes de ces conditions de la société, nécessaires de temps en temps, et que l’on appelle « corruption ». Chaque fois que la corruption se manifeste quelque part une superstition multiple prend le dessus, et la croyance générale qu’un peuple a acceptée jusqu’alors devient pâle et impuissante : car la superstition est une libre pensée de second ordre, — celui qui s’y soumet choisit certaines formes et formules qui lui plaisent et se permet de choisir. Le superstitieux, comparé au croyant, est toujours plus « personnel » que lui ; et une société superstitieuse sera celle où il y aura déjà beaucoup d’individus et du plaisir à tout ce qui est individuel. Considérée à ce point de vue, la superstition apparaît toujours comme un progrès par rapport à la foi et comme un signe annonçant que l’intellect devient plus indépendant et veut avoir ses droits. Les partisans de la vieille religion et de la vieille religiosité se plaignent alors de la corruption, — c’est aussi eux qui ont déterminé jusqu’ici l’usage dans la langue et qui ont fait à la superstition une mauvaise réputation, même auprès des esprits les plus libres. Apprenons donc qu’elle est un symptôme de l’émancipation. — En second lieu, on accuse de relâchement une société dont s’empare la corruption : il est visible en effet qu’alors la