Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rait cette vieille grenouille enflée qui se trouvera au milieu d’elles, si elle entendait ce mot ! « Je ne suis pas une personne, dirait-elle, mais toujours la chose elle-même. ») — La réception durera plus longtemps qu’il ne sera agréable à chacun : cela sera une raison suffisante pour raconter l’anecdote de ce poète qui écrivit à sa porte : « Celui qui entre ici me fera honneur ; celui qui n’entre pas me fera — plaisir. » — C’est là vraiment dire une impolitesse d’une façon polie ! Et, peut-être ce poète, pour sa part, a-t-il tout à fait raison d’être impoli : on dit que ses vers sont meilleurs que ceux de tel faiseur. Qu’il en fasse donc encore beaucoup et qu’il se retire autant que possible du monde : et c’est bien là le sens de sa gentille petite méchanceté. Par contre un prince vaut toujours mieux que les vers qu’il fait, même si… — mais que faisons-nous ? Nous causons et la cour tout entière croit que nous travaillons déjà et que nous nous cassons la tête : aucune lumière ne s’allume avant celle que l’on voit à notre fenêtre. — Écoutez ! N’était-ce pas la sonnette ? Au diable ! Le jour et la danse commencent et nous ne savons pas nos tours ! Il nous faudra donc improviser, — tout le monde improvise sa journée. Faisons aujourd’hui comme tout le monde ! — Et ainsi s’est dissipé mon singulier rêve du matin, peut-être aux sons durs de l’horloge de la tour qui vient d’annoncer, avec la solennité qui lui est propre, la cinquième heure. Il me semble que cette fois-ci le dieu des rêves a voulu se moquer de mes habitudes, — c’est mon habitude de commencer ma journée en l’apprêtant de façon à la rendre tolérable pour moi et