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LE GAI SAVOIR

ciens de tous les partis ne devraient, honnêtement, pas promettre davantage à leurs partisans — soit autant de déplaisir que possible, comme prix pour l’augmentation d’une foule de jouissances et de plaisirs, subtils et rarement goûtés jusqu’ici ! Si vous vous décidez pour la première alternative, si vous voulez diminuer et amoindrir la souffrance des hommes, eh bien ! il vous faudra diminuer et amoindrir aussi la capacité de joie. Il est certain qu’avec la science on peut favoriser l’un et l’autre but. Peut-être connaît-on maintenant la science plutôt à cause de sa faculté de priver les hommes de leur plaisir et de les rendre plus froids, plus insensibles, plus stoïques. Mais on pourrait aussi lui découvrir des facultés de grande dispensatrice des douleurs. Et alors sa force contraire serait peut-être découverte en même temps, sa faculté immense de faire luire pour la joie un nouveau ciel étoilé !

13.

Pour la doctrine du sentiment de puissance. — À faire du bien et à faire du mal on exerce sa puissance sur les autres — et l’on ne veut pas davantage ! À faire du mal, sur ceux à qui nous sommes forcés de faire sentir notre puissance ; car la douleur est pour cela un moyen beaucoup plus sensible que le plaisir : — la douleur s’informe toujours des causes, tandis que le plaisir est porté à s’en tenir à lui-même et à ne pas regarder en arrière. À faire le bien et à vouloir le bien sur ceux qui dépendent déjà de nous d’une façon ou