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LE GAI SAVOIR

solu : c’est pourquoi elle exige d’eux la convenance, et bien plus que la convenance.

6.

Dignité perdue. — La méditation a perdu toute sa dignité de forme, on a tourné en ridicule le cérémonial et l’attitude solennelle de celui qui réfléchit et l’on ne tolérerait plus un homme sage du vieux style. Nous pensons trop vite, nous pensons en chemin, tout en marchant, au milieu des affaires de toute espèce, même lorsqu’il s’agit de penser aux choses les plus sérieuses ; il ne nous faut que peu de préparation, et même peu de silence : — c’est comme si nous portions dans notre tête une machine d’un mouvement incessant, qui continue à travailler même dans les conditions les plus défavorables. Autrefois on s’apercevait au visage de chacun qu’il voulait se mettre à penser — c’était là une chose exceptionnelle ! — qu’il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : on contractait le visage comme pour une prière et l’on s’arrêtait de marcher ; on se tenait même immobile pendant des heures dans la rue, lorsque la pensée « venait » — sur une ou sur deux jambes. C’est ainsi que cela « en valait la peine » !

7.

Pour les hommes actifs. — Celui qui veut faire des choses de la morale l’objet de son étude s’ouvre un énorme champ de travail. Toutes les catégories