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Que cela amuse ? Poète sans cœur ?
— « Oui, Monsieur, vous êtes poète ! »
Pic, l’oiseau, hausse les épaules.

Railles-tu oiseau ? Veux-tu rire !
As-tu la tête dérangée ?
Mon cœur le serait-il davantage ?
Gare, tu craindras ma colère ! —
Mais le poète tresse des rimes,
Même en colère, brèves et vraies.
— « Oui, Monsieur, vous êtes poète ! »
Pic, l’oiseau, hausse les épaules.



DANS LE MIDI



À une branche torse, me voici suspendu,
Et je balance ma fatigue.
C’est d’un oiseau que je suis l’hôte,
Je repose en un nid d’oiseau.
Où suis-je donc ? Loin ! Hélas, loin !

La blanche mer est endormie,
À sa surface une voile de pourpre.
Une roche, un figuier, la tour et le port,
Des idylles à l’entour, des bêlements de moutons,
Innocence du Midi accueille-moi !

Aller au pas — quelle existence !
Cette allure-là rend allemand et lourd.
J’ai dit au vent de m’emmener,
L’oiseau m’a appris à planer.
Vers le midi, j’ai passé sur la mer.

Raison ! Attristantes affaires !
Le but alors était trop près.