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lement posé, la destinée de l’âme se retourne, l’aiguille marche, la tragédie commence

383.

Épilogue. — Mais en dessinant, pour finir, lentement, lentement, ce sombre point d’interrogation, ayant encore l’intention de rappeler au lecteur les vertus du véritable art de lire, — hélas ! quelles vertus oubliées et inconnues ! — il m’arrive d’entendre résonner autour de moi un rire de farfadet, le plus méchant et le plus joyeux : les esprits de mon livre, eux-mêmes, se jettent sur moi, me tirent les oreilles et me rappellent à l’ordre. « Nous n’y tenons plus — ainsi m’interpellent-ils — ; au diable avec cette musique sombre et noire comme la robe d’un corbeau. La clarté du matin ne brille-t-elle pas autour de nous ? Ne sommes-nous pas entourés d’une verte et molle pelouse, le royaume de la danse ? Y eut-il jamais une meilleure heure pour être joyeux ? Qui veut entonner un chant, un chant du matin, tellement ensoleillé, tellement léger, si aérien qu’il ne chasse pas les idées noires, mais qu’il les invite à chanter avec lui, à danser avec lui ? Nous aimons mieux encore la mélodie d’une stupide cornemuse paysanne que de tels sons mystérieux, de tels chants de crapauds sonnants, de telles voix des tombeaux, de tels sifflements de marmottes, par quoi vous nous avez régalés jusqu’à présent, dans votre sauvage solitude, Monsieur l’ermite et musicien de l’avenir ! Non ! Ne venez pas avec de pareils sons ! Entonnons des mélodies plus