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— et, par conséquent, non seulement son époque, mais encore l’opposition qu’il ressentait jusqu’à présent contre cette époque, la contradiction, la souffrance que lui causait cette époque, son inactualité, son romantisme

381.

La question de la compréhension. — On veut non seulement être compris lorsque l’on écrit, mais certainement aussi ne pas être compris. Ce n’est nullement encore une objection contre un livre quand il y a quelqu’un qui le trouve incompréhensible : peut-être cela faisait-il partie des intentions de l’auteur de ne pas être compris par « n’importe qui ». Tout esprit distingué qui a un goût distingué choisit ainsi ses auditeurs lorsqu’il veut se communiquer ; en les choisissant il se gare contre les « autres ». Toutes les règles subtiles d’un style ont là leur origine : elles éloignent en même temps, elles créent la distance, elles défendent « l’entrée », la compréhension, — tandis qu’elles ouvrent les oreilles de ceux qui nous sont parents par l’oreille. Et, pour le dire entre nous et dans mon cas particulier, — je ne veux me laisser empêcher ni par mon ignorance, ni par la vivacité de mon tempérament, d’être compréhensible pour vous, mes amis : ni par la vivacité, bien qu’elle me force, pour pouvoir m’approcher d’une chose, de m’en approcher rapidement. Car j’agis avec les problèmes profonds comme avec un bain froid — y entrer vite, en sortir vite. Croire que de cette façon on n’entre pas