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venu pour nous une seconde fois infini : en tant que nous ne pouvons pas réfuter la possibilité qu’il contienne des interprétations à l’infini. Encore une fois le grand frisson nous prend, — mais qui donc aurait envie de diviniser de nouveau, immédiatement, à l’ancienne manière, ce monstre de monde inconnu ? Adorer peut-être dès lors cet inconnu objectif, comme un inconnu subjectif ? Hélas, il y a trop de possibilités d’interprétation non divines qui font partie de cette inconnue, trop de diableries, de bêtises, de folies d’interprétation, — sans compter la nôtre, cette interprétation humaine, trop humaine que nous connaissons…

375.

Pourquoi nous semblons être des épicuriens. — Nous sommes prudents nous autres hommes modernes, prudents à l’égard des dernières convictions ; notre méfiance se tient aux aguets contre les ensorcellements et les duperies de conscience qu’il y a dans toute forte croyance, dans tout oui ou non absolu : comment expliquer cela ? Peut-être qu’il faut y voir, pour une bonne part, la circonspection de l’enfant qui s’est brûlé, de l’idéaliste désabusé, mais pour une autre et meilleure part la curiosité, pleine d’allégresse, de celui qui autrefois attendait à l’angle des rues, qui, poussé au désespoir par son recoin, s’enivre et s’exalte maintenant — par contraste avec les « angles » — dans l’infini, sous l’horizon libre. Une tendance, presque épicurienne, de chercher la connaissance, se déve-